La fierté disparue des cantines lyonnaises.

lyon-experience - web magazine de Lyon - cantines scolaires lyonnaisesL’Arrière-Cour de Raphaël Ruffier-Fossoul propose un nouveau reportage sur les cantines scolaires lyonnaises. Une enquête réalisée par Esther Schlegel.

Est-ce que nos enfants mangent correctement dans les écoles et collèges de l’agglomération lyonnaise ? L’Arrière-Cour est allée dans les établissements scolaires poser la question à ceux que l’on n’interroge jamais sur le sujet : les personnels des cantines. Notre journaliste a découvert une profession en perte de sens, où des personnels souvent qualifiés, qui ont choisi ce métier par passion, se désespèrent de servir aux enfants une nourriture industrielle qu’ils n’ont aucune envie de consommer eux-mêmes. Enquête illustrée par le génial Guillaume Long.

lyon-experience - web magazine de Lyon - cantines scolaires lyonnaises

Une enquête d’Esther Schlegel

Disposée sur un plateau en plastique gris, une coupelle rectangulaire contenant une salade de chou-fleur sans agrément, ni persil, ni tranche de tomate, surmontée d’une sauce vinaigrette épaisse et grasse. L’entrée. Le plat, assiette ronde blanche dans laquelle une viande blanche nage dans une sauce elle aussi grasse et blanche. Quelques pommes de terre molles, cubiques, en accompagnement. Du pain, le plus de pain possible pour remplir le ventre. Un yaourt et un fruit qui seront eux-aussi engloutis. Le ventre qui gargouille au goûter. C’est le menu que les enfants de la ville de Lyon se sont vus servir le mardi 07 janvier 2020 sous les appellations fallacieuses de sauté de dinde à la normande et pommes de terre rissolées. Les labels bios et « fait maison », porteurs de fausses promesses, figurent aux cotés des plats qui composent le menu comme de cyniques étendards d’une cuisine industrielle qui saccage l’idéal de la cantine.

Dans la ville de Monsieur Paul, si fière de rappeler aussi souvent que possible qu’elle est la capitale de la gastronomie, comment un repas aussi insipide et triste peut-il être servi aux écoliers et aux collégiens ?

« Les enfants ne mangent que du pain »

Nous avons posé la question à ceux que l’on n’interroge jamais sur ce sujet, et qui sont pourtant aux premières loges : le personnel des cantines. À leur demande, nous ne citerons ni leur nom, ni leur établissement. Personnel souvent en grève, les raisons de leur colère sont rarement analysées. Titulaires du CAP, ils sont formés à la cuisine. Pourtant leur métier est en perte de sens. Avec franc-parler ils décrivent la réalité de ce qui compose les repas des enfants. « Même le menu de Noël ne donne pas envie. On a honte de le servir. Depuis que la cuisine centrale nous livre, il n’y a plus de goût. Pour les entrées par exemple, on n’a aucune garniture, pas même une petite tranche de tomate. C’est écrit betterave, y’a que de la betterave »,explique une agente de la métropole, dépitée.

Manu (les prénoms ont été changé) a d’abord refusé de parler de son métier de chef de cantine dans un collège de Lyon car il n’a « rien à dire », n’éprouve « plus aucune fierté à travailler » en cuisine collective. Pourtant il connait bien son métier, il exerce dans la restauration collective depuis 20 ans. Dans son uniforme blanc impeccable, calot vissé sur la tête, il en impose. Il est entouré de quatre collègues, agents de la ville elles aussi, tenues hygiéniques de rigueur. Il est 10h30, rien ne cuit dans la cuisine, tout est déjà prêt, tout a déjà été livré. Mêlée aux produits désinfectants, une odeur douceâtre de viande, cuite à basse température de nuit pour faire des économies. Une viande qui n’a pas pu développer ses sucs. « C’est difficile à servir, la viande tombe en petits morceaux. On reconnait encore la forme de la tranche de viande, mais quand on la prend avec la spatule, elle tombe en miettes », explique une des agentes qui sert les repas au quotidien. Immédiatement, ses collègues la rejoignent pour renchérir, et l’amertume pointe dans chaque prise de parole :« Les enfants ne mangent que du pain. A la fin du service si on ne fait pas attention les derniers n’en ont plus et ne mangent rien du tout », confie ainsi l’une d’elle. Une autre approuve : « Hier les enfants n’ont rien mangé, pourtant c’était purée-viande, mais même cela ils n’y touchent pas. Des enfants refusent systématiquement le plat maintenant. » Une autre conclut, comme un crève-coeur : « On a des désinscriptions. Moi, si j’avais mes enfants dans cette cantine, je les sortirais. » Et cet aspect peu engageant est confirmé par les adultes déjeunant à la cantine, à écouter ce qui se dit dans la salle des profs. « C’est dégueulasse » lance une enseignante qui assure y manger régulièrement.

Il n’y a pas que dans les collèges que les personnels de cantine ont perdu le plaisir de leur métier. Les mêmes mots sont prononcés dans les écoles de la ville de Lyon, où nous nous sommes rendus. « Des fois, c’est un petit peu catastrophique quoi, ça part tout à la poubelle », lâche Josette, responsable d’une cantine dans une petite école. Bientôt à la retraite et décrite comme « dévouée et très professionnelle » par ses collègues, elle déplore la masse des tâches administratives qui a remplacé les gestes du cuisinier. « Tout est en barquettes…

Pour lire la suite de l’article, il vous suffit d’entrer votre adresse email.

https://www.larrierecour.fr/2020/02/12/la-fierte-disparue-des-cantines-lyonnaises/

 

Le marché de la restauration collective, en chiffres:

Le marché de la restauration collective (scolaires, entreprises, santé, prisons, armées…) est l’un des premiers marchés de France avec 20,2 milliards d’euros. Environ 70% des collectivités sont en régie directe et 30% en délégation de service publique.

En France, de la maternelle au lycée, deux enfants sur trois déjeunent à la cantine au moins une fois par semaine, selon l’Anses.

Pour la ville de Lyon et donc les cantines des écoles maternelles et élémentaires, la gestion des cantines est déléguée à l’entreprise Élior. Elle sert en moyenne 24 600 repas par jour dans ses 126 restaurants scolaires des écoles maternelles et élémentaires.

Pour la métropole (les collèges), la situation est plus compliquée : sur les 79 établissements publics, 24 (depuis 2018) sont en DSP, 38 en régie et 17 sont hébergés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de service de restauration in situ. Deux prestataires se disputent ce marché : Scolarest et Élior. Pour harmoniser cet ensemble, la métropole a mis en place tout récemment un référentiel visant à poser des règles communes aux différents types de gestion.

 

 

 

 

Leave a Reply

Your email address will not be published.